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Le rôle du consultant n’est-il pas de vous apporter un regard extérieur, et de repousser les limites posées par l’organisation, les contraintes, les biais cognitifs… Je sors, je me promène, j’observe, je visite, je fais des expos… Chaque escapade fait naître des réflexions inattendues, que j’inscris dans mes démarches de conseil, et que je vous partagerai désormais ici. Ma chronique du jour vous emmène à l’exposition Noir & Blanc de la BNF.

Le début de l’exposition est consacré aux premières techniques de développement de la photographie, laissant apparaître des portraits noir & blanc… sans jamais être totalement noir & blanc. Le sépia, les nuances de gris et de rouge font la part belle au titre de l’exposition. Erreur sur la marchandise ? Non, bien sûr. Nous sommes au début de la photographie. Comme tout début de quelque chose, la recherche et l’expérimentation font avancer la réflexion. Nous avons devant nous des sortes de Minimal Viable Product de la photographie. Les filles d’Emile Zola ont posé pour ces portraits noir & blanc tout en couleurs ; j’étais loin de penser que je les comparerais à un MVP… Ces portraits nous surprennent pourtant par leur modernité.

Nous arrivons ensuite dans une salle présentant plusieurs artistes qui ont traité les deux teintes de manière absolue. Nous voici au cœur du sujet. Du noir et du blanc. Des contrastes poussés à leur extrême gommant toute nuance pour présenter des photographies en « pur » noir & blanc. Les traits sont nets, les contours sont précis. La lecture est simple, mais le procédé exigeant. Me vient alors à l’esprit la notion d’expertise. Si mes compétences étaient une photo, ne devraient-elles pas être présentées en un visuel en noir et blanc absolus, sans faille ni nuance, un profil toujours pointu et professionnel ?

Je continue l’exposition qui me permet de déconstruire le noir & blanc. Car oui, il va bien y avoir une réponse à cette ultra-netteté dont je ne me contenterai pas sans la questionner… J’avance en confiance pour me retrouver dans un lieu dédié aux nuances. La netteté interrogée. Les lignes précises plongées dans une nébulosité confondante. Je remarque que le maintien de nombreuses tonalités de gris rend le sujet plus diffus, plus flou. Le visiteur doit faire l’effort d’appréhender le visuel pour en saisir toute la portée, sans parfois y arriver complètement. Cela me laisse le loisir de respirer et de prendre le temps de comprendre. Car oui il y a nettement moins de monde qui s’attarde dans cet espace dédié aux nuances bizarrement… Je me demande pourquoi. L’œil n’est peut-être pas captivé par l’effort qu’il doit fournir ? Je vous tire la métaphore de l’entreprise ou vous l’avez ? Cette ambiguïté reflète-t-elle la complexité d’une expertise qui ne pourrait finalement se réduire à une définition en noir & blanc ?

La fin de l’exposition nous amène à appréhender le noir & blanc en couleurs. Difficile à comprendre mais effectivement, les techniques de photographie numérique permettent désormais de présenter des œuvres noir & blanc… en couleurs. Innovant certainement. Disruptif à souhait. Parce qu’une expertise se renouvelle sans cesse. Comme le photographe sait se renouveler, s’appuyer sur les expériences passées pour construire une nouvelle forme de savoir-faire. Je ne parlerai pas ici de l’importance des relations intergénérationnelles pourtant si précieuses. Elles doivent néanmoins être mentionnées ici.

Évidemment hâte de connaître ce que les futurs artistes sauront inventer pour maintenir le noir & blanc comme un lieu de création sans fin. Tout comme eux, nous devons renouveler nos expertises, en laissant peu de place aux nuances d’un apprentissage laborieux, mais en gardant la liberté de développer des compétences uniques car empreintes de votre personnalité.

Noir & blanc, une esthétique de la photographie – BNF jusqu’au 21 janvier 2024

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Dorothée Tagnon